Une civic tech open-source pour la démocratie participative à Genève
À octree, on croit fort à la communication transparente, à l'intelligence collective, à la gouvernance distribuée et à l'open-source. L'année passée nous avons eu la chance de mettre en place une solution de démocratie participative à Genève. Voici donc un petit tour d'horizon de ce qui est devenu connu sous le nom de "civic techs".
La démocratie reste pour la plupart des sociétés une institution stable mais bureaucratique, à risque d'être parasitée par la désinformation, le lobbyisme et la montée des extrêmes.
A ceci, certains maux s'ajoutent : les citoyens ne se sentent pas impliqués dans les prises de décisions, ils ne savent pas à quelles informations faire confiance... en bref : ils souffrent d'un sentiment de désengagement.
Entre sociologie, activisme, politique et informatique, plusieurs acteurs autour du monde tentent aujourd'hui de développer des solutions technologiques à ces problèmes. Elles ont en commun un penchant pour la coopération et la transparence de l'information : ces outils sont appelés Civic Techs.
Pour LASUR, le Laboratoire de Sociologie Urbaine (EPFL), les caractéristiques des outils de “civic tech” permettent, ou font la promesse, d’améliorer ou de favoriser la diffusion de l’information, le dialogue entre les élus et les citoyens, la consultation et la contribution des citoyens, ainsi que le partage de données.
Comment faire la différence entre les outils qui tiennent leurs promesses et ceux qui se contentent de la vendre?
La philosophie politique à l'ère du digital
La nécessité de transparence et de responsabilité des gouvernements envers leurs citoyens peut-être retracée jusqu'aux lumières voire jusqu'à l'Athènes antique, mais c'est au tournant de la Deuxième Guerre mondiale que des initiatives se concrétisent à travers les principes de gouvernement ouvert. Cette vision se concrétise en 2011 avec la création de l'Open Government Partenership, qui vise à favoriser la transparence de l'action publique et son ouverture à de nouvelles formes de concertation et de collaboration avec la société civile.
En parallèle depuis le début du siècle passé, le monde du travail cherche des alternatives à l'autorité hiérarchique qui tend à renforcer des structures pyramidales figées et peu résilientes. Les pratiques issues de ces recherches deviennent petit à petit regroupées sous le nom de sociocratie.
Finalement, l'arrivée de l'informatique dans la gestion de l'état vient renforcer la nécessité d'une transformation digitale démocratique depuis les environs de 2010, mais l'utopie gestionnaire peut être retracée aux années 1970 avec le projet Cybersin au chili.
Des initiatives locales et globales
Depuis 2010, des initiatives de tous bords créent de nouvelles méthodes et solutions digitales pour la prise de décision collaborative, la consultation citoyenne, ou encore la participation directe. Que ce soit à l'échelle locale, régionale ou nationale, ces démarches tendent avant tout à faciliter l’émergence d'initiatives citoyennes.
Lancée en 2019, Participedia.net recense les démarches de démocratie participative dans le monde.
Ces techniques ont produit une telle diversité, que plusieurs sites permettent de les mettre en relation. En effet, l'enjeu principal est de trouver la meilleure combinaison de méthodes pour faire face à un ensemble de problèmes complexes et interconnectés, qui ne peuvent donc pas être résolus uniquement par une analyse en amont : les solutions doivent émerger nourries par l'intelligence et les expériences collectives. La mise en accès libre permet ainsi à ces solutions de se consolider et de rester accessibles à tous. La coopération et la liberté d'accès à l'échelle est en effet indispensable pour faire face aux enjeux à venir des sociétés.
Solutions Open-source ou propriétaires?
Parmi les plateformes et outils numériques disponibles, on distingue deux grandes catégories : la première met en accès libre son code et permet à tout-un-chacun d'y contribuer, on parle alors de solutions open-source. La seconde est moins transparente quant à son fonctionnement : son code ne peut donc pas être audité par tous et nul ne peut y contribuer. On parle alors de solutions propriétaires. Ces choix sont souvent motivés par plusieurs raisons : avantage concurrentiel, rapidité de développement (la gouvernance et la contribution open-source prenant plus de temps), ou simplement manque d'engagement quand à la transparence des processus. Reste que les solutions propriétaires peuvent présenter certains risques : privatisation de la démocratie, absence de souveraineté des données pour les utilisateurs ou simplement manque de transparence dans le développement des fonctionnalités... l'esprit critique reste de mise dans le choix de son outil ou de son prestataire car bien qu'avantageux sur le service, les solutions propriétaires ne sont pas toujours un gage de neutralité.
Parmi ces solutions propriétaires, on trouve entre autres Kialo, une plateforme favorisant le débat structuré, Maptionnaire, une solution permettant de créer des questionnaires sur un territoire via une carte interactive, ou encore plusieurs solutions facilitant la consultation ou la concertation citoyenne parmi lesquelles Cap Collectif, Make.org, CitizenLab, l'app mobile Civique ou encore OpenGov, un ERP nord-américain.
L'exemple Decidim
Pour les solutions open-source, la transparence est au centre de la création même de l'outil et de sa gestion et actuellement, une de ces solutions présente de nombreux avantages : Decidim.
Lancée par la mairie de Barcelone en 2017, Decidim bénéficie aujourd'hui d'expériences internationales à succès (France, Belgique, Mexique, Finlande et maintenant à Genève en Suisse) et d'une gouvernance ouverte et participative.
Quand aux fonctionnalités, elles sont aussi totalement configurables selon les besoins du projet : modules de votes, de concertations, de consultations, d'agenda et encore sont ajustables à souhait. Decidim semble ainsi être une solution adaptée non-seulement à l'usage publique mais aussi à l'usage privé. Outre sa communauté de contributeurs grandissante, l'outil possède deux particularités : premièrement il favorise grandement la concertation citoyenne, alors que de nombreuses solutions sur le marché se limitent à de la consultation (c'est-à-dire, en limitant la participation à la prise d'avis et non la création de projets ou la prise de décision collaborative avec les citoyens). Deuxièmement, Decidim met un accent particulier sur la transparence : en effet, les données publiques sur la plateforme sont téléchargeables en tout temps par les visiteurs et les données personnelles liées aux comptes utilisateurs peuvent être reprises par ceux-ci en tout temps. Ces détails mettent bien le citoyen au centre de l'expérience participative, et lui confèrent une place respectueuse de ses libertés.
Fort de ces observations, le Département du Territoire de l'État de Genève à mandaté Octree en 2019 pour mettre sur pied la première plateforme de civic-tech en Suisse basée sur Decidim : Participer.ge.ch. Un article détaillé suivra pour faire part de notre retour d'expérience sur ce projet et la technologie Decidim.
En attendant, allez participer !