Decidim pour reconstruire le tissu communautaire local: un potentiel inachevé

Le 28 mai 2025, un effondrement glaciaire a provoqué un éboulement dévastateur qui a détruit une grande partie du village de Blatten, dans le Lötschental (Canton du Valais, Suisse). Grâce à une surveillance précise, toute la population avait été évacuée à temps mais une victime est néanmoins à déplorer. Le paysage a été bouleversé, des habitations ont été ensevelies et tous les aspects de la vie locale ont été perturbés.

© Jean-Christophe Bott

Avant cette catastrophe, Planval, une agence de gestion du changement travaillant avec les communes de la vallée sur leur stratégie de développement à long terme («Heimat Lötschental – zämm stah, vorwärts gah/Homeland Lötschental – se tenir ensemble, aller de l’avant»), s’est soudain retrouvée face à un défi inédit. Les familles étaient dispersées dans tout le canton et au-delà, logeant chez des proches ou dans des hébergements temporaires. Les réseaux sociaux et informels qui caractérisent les communautés de montagne n’avaient plus de lieu où exister.

La plateforme Decidim pour Heimat Lötschental

Le projet: maintenir la cohésion sociale grâce à une plateforme Decidim

Lors du premier atelier public du processus de planification, organisé seulement quatre semaines après la catastrophe, une idée a émergé: créer un espace en ligne pour que les habitant·e·s restent connectés.

La question centrale était simple: une plateforme en ligne pourrait-elle aider la communauté à rester informée, unie et impliquée dans les décisions concernant son avenir?

Une instance Decidim (poursuivez votre lecture ici si vous découvrez Decidim pour la première fois, article en allemand) a été imaginée avec deux objectifs principaux:

1. Un espace pour maintenir les liens communautaires

Grâce aux modules meetings et débats, les personnes évacuées auraient pu:

• annoncer des rencontres informelles

• partager des nouvelles

• discuter de la situation dans la vallée

2. Un espace pour discuter de l’avenir

Avec le retour, la reconstruction et la relocalisation tous incertains, un module dédié aux propositions aurait pu soutenir la communauté en permettant aux résident·e·s de:

• recueillir des idées

• soulever des préoccupations

• imaginer des pistes de développement à long terme

Il ne s’agissait pas d’un projet commercial. Urban Equipe et Octree avaient proposé de le parrainer: Octree en assurant l’hébergement via Voca, Urban Equipe en apportant soutien, configuration et travail de contenu initial.

Pourquoi le projet n’a-t-il pas vu le jour?

Malgré une demande claire de la population et un enthousiasme réel, la plateforme n’a jamais été lancée. Une représentante du projet résumait ainsi la situation:

«Nous avons lancé beaucoup de choses avec beaucoup d’enthousiasme mais, comme vous pouvez l’imaginer, il y a tellement de ‘vautours’ qui rôdent autour des habitant·e·s de la vallée que rien n’avance pour l’instant. J’ai rédigé un concept pour un lieu de rencontre en ligne et hors ligne, approuvé par le conseil de la vallée. Nous aurions pu commencer à le mettre en œuvre mais tout s’est enlisé dans un marécage administratif… La population a accueilli la plateforme à bras ouverts mais le blocage est venu au niveau politique.»

– Sabina Ruff, Planval

© Jean-Christophe Bott

Enseignements pour l’écosystème Decidim

Même si la plateforme n’a pas été lancée, l’expérience offre des enseignements précieux.

1. En situation de crise, l’approbation officielle n’est pas toujours réaliste

Lorsque les autorités sont dépassées, une démarche citoyenne ou communautaire peut être la seule voie pour démarrer. Les résident·e·s ont souvent la volonté et la capacité de s’auto-organiser lorsque les institutions ne peuvent pas répondre rapidement.

2. L’importance de la cohésion sociale doit être mieux communiquée

Les plateformes numériques ne servent pas uniquement à la planification urbaine ou aux processus participatifs formalisés. En cas de catastrophes, elles peuvent:

• réduire l’isolement

• soutenir la coordination

• partager et discuter des nouvelles

• maintenir un sentiment d’appartenance

Un cadre argumentaire mettant en valeur ces aspects, en particulier pour un projet technopolitique comme Decidim, serait précieux pour les initiatives futures.

3. Decidim en Suisse doit affirmer davantage son identité d’intérêt public

Une plateforme conçue comme un bien commun numérique gagne en légitimité lorsqu’elle est perçue comme un outil civique, et non comme une prestation commerciale. Une présence technopolitique plus affirmée réduit les barrières, surtout lorsque les communautés sont vulnérables et que la confiance est fragile.

Il est possible que l’initiative aurait été reçue différemment si elle était venue directement de l’Association Decidim ou d’une antenne civique locale. Une identité civique claire aurait pu réduire les hésitations et renforcer la confiance.

Et maintenant?

En tant que partenaires officiels de Decidim, Urban Equipe et Octree restent pleinement engagés à explorer comment Decidim peut soutenir non seulement les démarches participatives mais aussi la réponse et la reconstruction en situation de crise.

Nous nous réjouissons que le comité de coordination de Decidim ait approuvé la création du premier chapitre local Decidim au monde, en Suisse, un espace ouvert où communes, groupes civiques et communautés peuvent explorer Decidim sans lourdeur administrative ni enjeux commerciaux.

📩 Si vous êtes curieux·se, avez une idée similaire ou souhaitez tester Decidim dans votre contexte, vous pouvez contacter: decidim@urban-equipe.ch

👉 Les conclusions de ce projet ont été présentées lors du Decidim Fest 2025 à Barcelone. Vous pouvez revoir ce case study, ainsi que d’autres ici.

– Urban Equipe & Octree